Vous est-il déjà arrivé d’avoir la très nette impression que vos appareils électroménager font plus que fournir une satisfaction à votre consommation effrénée ? Depuis quelque temps, le frigo de votre « écriveuse » s’est mis en tête de lui parler.
Vous êtes sagement assise dans votre canapé en train de lire un bon bouquin quand soudain… : « Bzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz ». Le sanglot semble long et plein de reproches. Ayant éliminé la télévision ; la chaîne hi-fi s’étant fait la malle dans les tréfonds du SAV d’un grand magasin, il ne vous reste finalement que votre réfrigérateur pour émettre cette plainte déchirante. Vous vous approchez de lui, écoutez « bzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz ». Vous ouvrez sa porte doucement. Rien. Hormis que pour la troisième fois depuis que vous l’avez en votre possession, il a décidé de vivre dans le noir. Serait-ce un signe de dépression ? Vous refermez la porte et retournez à votre livre. « Bzzzzzzzzzzzzzzzzz ». Le ton semble cette fois plus virulent. Retour auprès de l’engin souffrant. « Bzzz bzzzzz ». Vous engagez le dialogue :
- Bon que se passe-t-il ? Que me veux-tu, petit frigo ? Je sais bien que tu es tout vide. Est-ce là qu’est le problème ? Tu aimerais regorger d’une multitude de nourritures terrestres ? Pour qui ? Pour quoi ?
- Bzzzzzzzzzzzzzzzzzzz
- Non désolée, je ne cèderai pas. Tu devras faire avec. Mais dis-toi que tu m’es tout de même bien utile. Cela devrait te suffire.
Fin du premier dialogue.
Vous êtes loin d’imaginer à quel point sa persévérance à communiquer n’a d’égal que sa capacité à congeler vos aliments. La première semaine, vous répondez à ces souffrances en pressant délicatement sa porte, comme on presserait la main d’un ami désespéré. Cela le soulage mais temporairement. Puis sa mélancolie, sa sensation de vide sidéral s’accentue. « Bzzzzzzzzz », le jour et « Bzzzzzzzzzz » la nuit !
Non là maintenant il va trop loin. Le combat s’engage. Ce ne sont plus des caresses, mais des petits coups que vous lui donnez. La solution de la violence porte-t-elle ses fruits ? Non. Oui bon ben on sait déjà depuis longtemps que plus on agit avec violence plus on nous répond par la violence. Et cet appareil n’a peur de rien. C’est un bloc monolithique blanc qui a quelque chose à exprimer. Vous avez comme l’impression de devenir un des singes de 2001 Odyssée de l’espace. Il vous faut communiquer autrement. Alors vous décidez de lui écrire une lettre. La voici :
Cher Réfrigérateur,
Tu accompagnes mes jours depuis déjà 6 ans. Tu as eu quelques sautes d’humeur mais nous avons su prendre soin de toi lorsque le risque de te perdre devenait trop grand. Tu as connu de grands moments de joie, toujours empli de délicieuses viandes et de légumes bio, de divers desserts gourmands et de bouteilles réjouissantes.
Tu as su t’adapter aux changements de maisons, certes nombreux. Parfois un peu plus vide, tu as supporté cette solitude sans mot dire. Je te félicite pour ça.
Le dernier changement d’appartement a été une déchirure pour toi. Tu as perdu Lave-vaisselle avec qui tu adorais philosopher. Tu as commencé par exiger de vivre dans le noir. Chaque ampoule grillée a été changée, mais aujourd’hui rien n’y fait. Soit. Je comprends et accepte. Mais cette plainte, est-elle l’expression d’un manque de communication entre nous? Je sais que tu aimerais à nouveau être choyé et dorloté. Mais peux-tu comprendre qu’il n’en va pas ainsi de la vie, pas toujours ?
Je te promets, en revanche, que si ta propriétaire déménage prochainement, tu te rempliras très vite. Tu pourras de nouveau entendre les conversations et les disputes entre la porte et les étagères pleines. Bientôt, ta propriétaire aura enfin la possibilité d’inviter du monde. Et même, tu rencontreras Lave-vaisselle 2. Je suis sûre que tu t’entendras très bien avec lui. Il te faut patienter un tout petit peu. T’en sens-tu capable ?
Alors si tu es prêt à tenter de nouveau l’aventure avec moi, je te serais gré de cesser ta plainte qui me déchire le cœur (et les oreilles).
Bien à toi.
Ta propriétaire
Voilà, votre « écriveuse » vous tiendra évidemment au courant des avancées de cette thérapie par la parole. Pour le moment elle semble miraculeusement porter un peu ses fruits. Mais nous attendons toujours une jolie lettre du réfrigérateur dépressif…