30/04/2012

Page Blanche

La page blanche envahit votre vision. Elle ne décolore à aucun instant. C’est comme une eau de javel trop efficace qui lamine l’email de votre inspiration. Lorsque ce vide apparaît, il devient un brouillard qui pollue l’équilibre de vos pensées. Il aveugle de sa sombre lumière, néfaste et nauséabonde. Il entraîne dans son sillage ses copains cavaliers : la faucheuse tristesse, la tendre mélancolie, le lugubre dégoût et la puissante léthargie.
Pourtant, vous luttez contre cette tentation de sombrer dans ce dilemme scriptural : écrira/écrira pas. Les idées effleurent par à coup le bout de vos doigts. Ils saisissent parfois une plume, une feuille blanche qu’ils s’empressent de griffonner, lançant des bouteilles à la mer remplies de mots dispersés. Un fouillis encore informe qui n’attend que son heure pour se développer en un récit empreint de rebondissements, d’ironie grinçante et de poésie discordante.
Mais comment poursuivre la tâche incongrue de vouloir noircir des pages alors même que rien ne sort du cerveau, rien de concret. Faut-il enfanter dans la douleur ? Poursuivre le travail sans cesse et tordre et distordre le texte afin de trouver le bon mot ? L’entreprise est fastidieuse. Elle exige une disponibilité dont vous ne disposez pas. Et pourtant.
Votre bien-être tient à ça. Au pouvoir de transformer le blanc en une horde de mots virevoltants et multicolores. Si seulement vous aviez le temps, si seulement le vocabulaire perfide ne s’enfuyait pas à chaque seconde qu’il passe à travers les lèvres de votre cerveau. Mais c’est quand vous croyez la tentative avortée que le flot commence à affluer. Il devient alors difficile de s’arrêter.
Les mots se déversent et veulent partir en tous sens. Il faut pourtant les contenir car les doigts ne tapent pas aussi rapidement que le langage qui se crée à l’intérieur de votre crâne. Le tourbillon devient impétueux. Il brouille la donne, provoque une euphorie impossible à maîtriser. Ca pousse dans toutes les directions. Il vous faudrait devenir pieuvre pour pouvoir rédiger aussi vite que votre pensée. Verbe, adjectif, adverbe, petits mots qui dansent autour de vous, à la fois précis et manquant cruellement de justesse. Ca s’entrechoque, parlemente en version mach 7 ; une mitraillette de sons, de signes qui se percutent pour tenter de concrétiser l’idée qui vient de poindre. C’est grisant et revigorant.
Et quand les doigts fatiguent, quand le cerveau ralentit, vous savez que vous avez réussi à sortir de la torpeur. Qu’enfin l’inspiration est réapparue. Vous pouvez souffler. Il vous faudra juste ne jamais perdre de vue que la page blanche menace, tapie dans l’ombre. Elle peut toujours réapparaître et vous frapper de plein fouet. Il vous faudra alors prévenir l’attaque. Arroser quotidiennement le champ de vos observations, vous imprégner de sensations, d’émotions qui permettront de soutenir votre inspiration et de la cultiver sereinement.
On n’est pas toujours obligé d’enfanter dans la douleur.

29/04/2012

"Chéri, tu viens chez moi ...?"


Cela fait une paire d’années que votre moitié partage votre vie. Enfin cela signifie en gros que ses chaussettes et ses caleçons poussent régulièrement au pied de votre lit (oui c’est de la mauvaise herbe, mais finalement elle vous rassure cette mauvaise herbe, pas vrai ?). Petit à petit sa pile de vêtements augmente dans une partie de VOTRE armoire. Vous ne comptez plus le nombre de bouquins qu’il a laissés sur vos étagères et le frigo s’est rempli de bières, de sauces piquantes en tous genres, de charcuterie et de fromages qui puent. Sa brosse à dent mêle ses poils à la vôtre (oui c’est un peu dégueu mais très commun finalement) et la lunette des toilettes adopte plus souvent une position inadéquate pour une femme. En gros, l’homme s’est installé à 95% chez vous. Et pourtant, vous ressentez comme un léger malaise… Ha ben oui, ce sont ces fameux 5% qui restent incrustés chez lui. Pas moyen de les faire bouger.

Comment se fait-il qu’après autant de temps passé en votre compagnie, le mâle n’ait pas définitivement marqué son territoire chez vous ? Non, il continue inlassablement de garder sa propre tanière et de jouer au chasseur-cueilleur, se réfugiant encore dans son antre, avec son gros sac de voyage, après une presque semaine passée en votre compagnie.

Les raisons de ce blocage seront peut-être recherchées plus tard. Intéressons-nous plutôt aux différentes stratégies qui pourraient faire passer le sexe opposé du côté obscur de la vie sédentaire à deux.

Stratégie n°1 : Very irresistible… Il s’agit ici de vous transformer en un objet de désir permanent. Attention cette stratégie demande un certain investissement pécuniaire non négligeable et une force mentale digne d’un moine shaolin. Oui parce que cela implique le port des talons (n’en déplaise à votre voisine du dessous), de la jupe fendue, des bas ultra sexy. Votre forfait épilation explose votre budget, explosion soutenue par le prix exorbitant des crèmes sublimant votre corps grâce à leurs phtalates et autres produits tout à fait innocents pour l’environnement. Vous vous mettez en devoir d’être toujours impeccable, incarnation permanente du fantasme de votre homme. Votre seul déhanchement doit le rendre fou. Jouez la distance sauvage de la femelle, sûre de la puissance de ses attraits. Alors oui, vous le savez parfaitement, cette stratégie est épuisante, physiquement et mentalement. Au bout de quelques jours, vous rêvez de troquer les talons contre vos charentaises fétiches et votre nuisette ficelée contre votre pyjama en pilou. Et surtout, vous vous apercevez que l’homme ne remarque pas toujours la tenue affriolante que vous portez. Non, lui, comme vous, ne voit parfois plus que votre beauté intérieure…

Stratégie n°2 : « I need you ». Ou comment se rendre indispensable. Attention ! Cette stratégie implique une capacité à se transformer en Cendrillon version je bosse pour toi mon amour. Là, vous êtes aux petits soins. As-tu envie d’une bière mon chéri ? Je te l’apporte tout de suite. Non, laisse, je vais faire la vaisselle après avoir repassé ta chemise. Continue à jouer à ton jeu. Non, non, pas la peine d’utiliser le balai à chiottes, tu sais bien que j’adore faire le ménage après toi… Oui bon, cette version soumise est insupportable à lire (et à écrire). Et pourtant, pensez au nombre de femmes qui ont vécu ou vivent encore ce traumatisme aujourd’hui. Mais sachez que parfois, après avoir attiré le mâle par ce stratagème, la femme-Cendrillon se transforme en harpie, maniant le rouleau à pâtisserie avec une aisance déconcertante. Hommes, méfiez-vous des femmes-Cendrillon.

Stratégie n°3 : « Bien-sûr, Lumière de ma vie, tes amis peuvent venir ce soir ». Ou comment faire de votre appart le lieu de beuverie de votre Jules et de ses potes. Alors-là, attendez-vous à terminer la plupart de vos soirées dans votre chambre, si vous n’habitez pas dans un studio, évidemment. Dans le cas contraire, il vous reste le gaz. Soit vous avez la force mentale d’un jedi prêt à supporter les plus grandes épreuves, soit vous finirez par adopter les modes de consommations les plus polluants qui existent. Après avoir fait votre deuil des quatre dernières assiettes en porcelaine de Mamie, vous optez pour le plastique jetable, la bouffe, jetable aussi, le caddy pour apporter le verre dans les conteneurs. Faites attention cependant à ne pas cumuler avec la stratégie n°2. Parce que le chasseur-cueilleur pourrait avoir l’outrecuidance d’estimer que le nettoyage post-fiesta n’est pas de son ressort ! Résistez sur ce point et adoptez les boules Quies©.

Stratégie n° 4 : Piéger ses papilles… Devenez une véritable sorcière du goût. Oui parce que le chasseur-cueilleur en a eu marre au bout d’un moment de rechercher sans cesse sa nourriture et de mâchonner de la viande pas cuite. Votre appart s’enrobe de fumets délicats. Vous téléchargez toutes les appli cuisine de Grands-Chefs vaudous sur votre Smartphone. La recherche du filtre le plus puissant deviendra votre seule et unique priorité. Les ingrédients n’auront plus aucun secret pour vous. Vous le tenez par le palais. Il oubliera définitivement les saveurs des kebabs-frites-sauce-ninja. Attention cependant. Votre budget, en ces temps de crise, se verra fondre comme neige au soleil. Sans compter que la cuisine de haute voltige demande un temps indéniable et que parfois, on a bien envie de se faire livrer et de ne se poser aucune question.

Stratégie n° 5 : Je suis lui… il est lui ! Ici, il s’agira d’un des plus grands sacrifices à accorder à votre moitié : devenir lui. Vous adorez soudainement jouer aux jeux vidéo de voitures. Vous adoptez le mode bière-foot. Vous ne lisez que ce qu’il aime ; vous ne mangez que ce qu’il aime (aïe l’estomac) ; vous n’allez voir que les films qu’il aime. Vous utilisez ses expressions. Vous oubliez de rabattre la lunette des chiottes. Halte-là ! Votre sur-moi finira par hurler de douleur et votre personnalité ressurgira en provoquant des dégâts incommensurables. Et de toute façon est-ce pour ça qu’il est dingue de vous ? Non.

Alors face à ces différentes stratégies, il n’en existe qu’une seule qui soit la véritable et la plus efficace. Restez vous-même. Pleurez, criez, souriez, vivez votre vie, suivez vos envies, restez indépendante et un brin sauvage. Ce n’est pas de l’égoïsme, mais votre vie en sera plus belle avec lui. Le Jules aura besoin de vous savoir la plus équilibrée et heureuse possible pour se sentir en sécurité. Alors le chasseur-cueilleur aura peut-être enfin envie de faire de votre grotte son propre home-sweet-home. 

11/04/2012

Léthargie douce amère

Salut à tous,
Quelle longue pause dans l'écriture !
Je n'ai jamais voulu faire de ce blog un journal intime. Et je ne m'accorderai aujourd'hui qu'une légère incartade. L'envie d'écrire est présente, mais l'énergie, la colère, le moteur de mon souffle se sont un peu épuisés. Des perturbations physiques m'empêchent de retrouver ma dévastatrice énergie. Un questionnement professionnel profond envahit la petite place accordée à ma créativité dans mon cerveau. Ma vie personnelle frôle l'équilibre, enfin, mais ne se résout pas encore à une complète stabilité. Mon habitat ne répond pas à mes attentes. Une légère frustration globale court-circuite ma motivation.
C'est l'heure des pourquoi, des comment, des remue-toi le derrière ma petite, mais avec une sorte de léthargie douce-amère qui me suit comme une ombre. L'envie d'agir est présente ; or, l'immobilisme continue de me poursuivre de ses assiduités.
C'est la grande heure des décisions, des changements. Encore.
Alors prenez patience si vous êtes accro au blog. Je vous promets de revenir vite avec de nouvelles chroniques. Et de nouvelles aventures rendues ubuesques par la seule force de la réalité du monde !
Bien à vous.
Titane