20/11/2010

Pourquoi vous avez envie d'étriper le jardinier de votre résidence ?

Votre amoureux vous regarde intensément ; il prononce des paroles que vous attendiez depuis si longtemps… L’extase est proche. Ses lèvres effleurent les vôtres et il murmure encore les délicieuses caresses qui câlinent vos oreilles. Quand soudain, sa tête se détache de son corps dans un jet de sang continu. La tronçonneuse vrombit de plaisir à l’idée d’inoculer en vous la terreur absolue. Morphée accepte de vous relâcher, pris de panique au son du mortel engin. Vous ouvrez alors un œil et vous vous extirpez de votre douce nuit.
Pour une fois que vous n’aviez ni réunion, ni rendez-vous, ni courses, ni conférence à deux kopecks, ni insomnie ; pourquoi, mais pourquoi fallait-il qu’il recommence ce foutu rituel du mercredi matin. A croire qu’il est attaché à son appareil, que c’est une extension de son pénis ! Ha ça te fait jouir hein de réveiller toute la résidence à huit heures du mat. Et vas-y que je te passe la tondeuse sur une herbe qui n’ose même plus repousser tellement elle est terrorisée. Les fleurs ont fui depuis longtemps la zone devenue trop dangereuse pour l’espèce. Les quelques rares qui s’y aventurent n’ont même pas le temps de connaître les joies du butinage. Les inconscientes sont fauchées avant la puberté ! Et puis j’ajoute un petit coup de souffleur ! C’est vachement drôle ce truc, ça sert à rien, sauf à faire du bruit. Mais toi, tu t’en fous, t’as tes oreilles d’ewoks. Vous avez presque l’impression qu’il joue à Tétris avec les feuilles !
Les buissons tremblent à l’idée que, dans quelques minutes, ils vont avoir la boule à zéro. Si encore Edward aux mains d’argent intervenait, ce serait légèrement poétique, mais là c’est massacre à la tronçonneuse. On aperçoit déjà les nichées d’oiseaux avec leurs valises sous les bras, les oisillons traînant leurs doudous duveteux en pleurant. L’exode est pitoyable à voir. Les vieux pigeons sanglotent sur les quelques croutons de pain qui vont être piétinés. Les miettes restantes auront un étrange goût de gasoil.
Les arbres qui adoraient autrefois tremper leurs petons dans la fraîcheur de la litière naturelle, se voient offrir trop régulièrement une manucure des pieds. Sans parler des moustiques qui exultent à l’idée que leurs pires ennemis à plumes quittent le champ de bataille.
Alors ça c’est le versant écolo. Parce que concrètement, cette pelouse n’est, en plus, utilisée, par personne. Pas le droit d’y mettre un orteil ; les enfants sont pires que les Roms : pas même un droit de séjour. S’ils tentent de passer la frontière herbeuse, une salve de répliques cinglantes des co-proprio les atteint en plein cœur. Alors imaginez ce qu’il se passerait si l’on évoquait l’idée d’un barbecue convivial entre voisins ! C’est le génocide assuré.
Non, cette pelouse ne sert qu’à être tondue. On ne peut même pas dire qu’elle apporte un soupçon de bucolisme en pleine ville, puisqu’on se rapproche plus de la toundra sibérienne, sans les sublimes montagnes derrière. Non, juste un sol rugueux, une barbe de trois jours hyper drue.
Alors oui, ça donne du boulot à trois mecs. Mais apprenez leur plutôt à compter les papillons, en laissant vivre les espèces locales qui demandent moins d’entretien et moins de produits chimiques.
ET … qu’ils nous foutent la paix avec leurs tronçonneuses de malheur. C’était la minute de crise. Pour de vraies info sur la biodiversité et la réflexion écolo intelligente, votre écriveuse vous renvoie au génial blog : http://unretourauxsources.blogspot.com/. En plus, il y a plein de petites illustrations mignonnes comme tout !
Ecologiquement vôtre !

4 commentaires:

  1. Eh oui, je comprends ce que tu ressens et c'est (entre autres) pour ça que je ne veux plus vivre en ville... une fois qu'on a goûté aux joies de la campagne, de son petit jardin anarchique, plus question de revenir aux "green anglais"...courage ma belle ! Et, au fait: je veux en savoir plus sur ce bel inconnu dans ton lit qui te murmurait des mots doux ...

    RépondreSupprimer
  2. Oui c'est compréhensible mais il ne faut pas déserter la ville ! Il faut la transformer ! C'est possible, j'en connais qui le font... Si, si, c'est leur boulot.
    Sinon, bravo pour ce billet à mourir de rire. Alors même qu'on éradique consciencieusement la biodiversité. C'est excellent et sur un ton encore plus décalé et sarcastique que ce que j'ai pu lire sur le blog que tu cites... Un complément indispensable qui fait rire là où ça ferait trop mal...

    RépondreSupprimer
  3. Article à couper aux ciseaux à broder... La mite

    RépondreSupprimer