27/09/2012

Angle d'attaque n°2


Ca f’sait déjà une paye que je battais des ailes sur ce foutu toit. Heureusement qu’il n’était pas trop haut pour que je puisse y hisser ma vieille carcasse. Quand je pense à la vie que j’aurais pu mener si ces cons d’êtres humains n’avaient pas dégueulassé leurs sols avec leurs foutus pesticides.

Et me voilà aujourd’hui, à Amsterdam, à tenter de rouler ma bosse au milieu de ces jeunes piafs, toujours prêts à quémander des miettes de leur bouffe infâme. Y a pas idée d’ingurgiter des trucs aussi infects. Pizzas, hamburgers, frittes huileuses dégoulinantes. C’est pas dieu possible, on a l’impression de bouffer la Mer morte quand on les gobe. Si vous cherchez des fruits frais, oubliez, même les feuilles d’arbres sont contaminées. 

Le problème, c’est qu’au bout d’un moment, t’y coupe pas. T’as la dalle et faut bien que tu survives. Alors tu fais comme ces crétins à deux pattes. Tu plonges dans la junk-food. Tu m’étonnes qu’ils soient gras à 40 ans. Y a qu’à voir ce que je suis devenu. Je suis au bord de la crise cardiaque. J’ai les muscles avachis et le plumage décrépit.

J’ose même pas me présenter face à une donzelle. Elle va penser quoi à votre avis ? Que je suis juste une grosse volaille libidineuse, à peine capable de becqueter un mets plus délicat qu’une cuisse de poulet grillée. Vous vous rendez compte à quoi on est réduit ? On bouffe presque nos congénères. Quand j’y pense j’ai des envies de vengeance. J’vais pas refaire la scène des Oiseaux. A moi tout seul, je ressemblerais plus à un pachyderme au ralentis tentant d’effectuer un triple Lutz piqué.

Et vous savez ce que ça fait cette pitance atroce sur un organisme de volatile innocent ? Ça lui pète les entrailles. Ça lui colle une chtouille immonde qui révulserait les yeux des guerriers les plus aguerris. Je vous assure que le bide d’un pigeon à Amsterdam, c’est pire que le tremblement de terre provoquant une explosion à Fukushima.

Alors forcément, face à cette injustice et cette violence imposées aux animaux (parce que je ne vous parle pas de mes copains les rats ou de ces grosses coquines de mouettes), on développe des idées. On fomente des stratagèmes, on calcule, on ressasse. En écoutant les borborygmes de sa bidoche, on devient pervers, on s’encanaille.

Et soudain, elle est apparue. Elle avait pourtant l’air sympa avec son béret noir, son pull noir. Sobre, assez nature. J’aurais pu avoir pitié. J’aurais pu me mettre à sa place. Si ça tombe, c’était une défenseuse des animaux, une amoureuse de la bouffe fraîche.

Mais non, le ressentiment était trop fort. Il fallait frapper à l’aveugle, à la terroriste. A bas les innocents. Pas de pitié. Alors je me suis installé confortablement au bord du toit. J’ai attendu, patiemment, qu’elle ressorte de ce magasin d’fripes. La douleur était là, mais je savais que ça allait sortir. Le soulagement ne serait que meilleur.

Et quand j’ai aperçu le haut de son couvre-chef, j’ai largué les bombes. Je rendais justice à ma famille, à ma race. Jouissance absolue. Elle en avait de la tête jusqu’au bout du bras. Mission accomplie. La bidoche vide et l’esprit léger, j’ai pu retourner à mes occupations favorites. Roucouler… et bouffer.

5 commentaires:

  1. Ha oui !! C'est un commentaire lourd de sous-entendus... Je comprends ton point de vue Guillaume et le partage totalement, sans en réfuter un seul point. Car il n'y a pas lieu de polémiquer, je le concède !
    Bisous et merci pour le commentaire.

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  2. coule ! Euh pardon , cool ! Pauvres pigeons et pauvre nature , condamnés à nous déverser les résidus de notre incontinence écologique . Pauvres de nous ! Bravo pour cette diatribe qui nous fustige tous autant que nous sommes , avec raison . Bisous . Jef

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  3. C'est si bien écrit qu'on en oublierait presque que ce n'est pas que de la fiction... Pauvres animaux des villes.
    Et pauvre béret. ;)
    Bises !

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  4. Wouaw, merci beaucoup, beaucoup, beaucoup ! Ces messages me motivent pour poursuivre ce blog qui est en perpétuel sursis. Mais je crois que je vais passer à une version papier dans les mois qui viennent, au moins pour les premières chroniques.
    Merci encore Olivier.

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